Intersolitude

La notion de réseau s’applique aussi bien à la structure des relation sociales et sociétales qu'à la structure de nos systèmes d’informations numériques. Ces deux structures sont intimement liées, et l’interconnectivité des réseaux informatiques ne fait que croître, rendant l’isolement volontaire de plus un plus infaisable. Pourtant l’isolement involontaire, la solitude, résiste à ces connexions et il en résulte un paradoxe : on peut être de plus en plus connecté sans pour autant devenir moins seul. Ces différentes notions forment alors des connexions entre elles, parfois contradictoires ou paradoxales, donnant alors naissance à une sorte de méta-réseau. Ce sont ces contradictions, ces relations, et ces paradoxes que notre projet Intersolitude cherche à explorer.

Nous souhaitons mettre au point une technique photographique nouvelle, basée sur la capture d’ondes centimétriques, et l’utiliser pour créer des images qui interrogent les notions de connexion et d’isolement.

Le projet Intersolitude cherche à matérialiser sous forme d’images la notion d’isolement dans un flux de connexions qui caractérise les relations sociales modernes au sein du monde numérique. Nous mettrons en scène des personnes qui se tiendront dans un espace inondé d’ondes numériques. Certains personnages seraient isolés de ces ondes par un dôme isolant tandis que les autres y seraient directement exposés. Pour rendre visibles les flux d’ondes qui traverseront ces scènes, nous utiliserons une technique de photographie par ondes centimétriques. L’isolement social numérique sera alors représenté par un isolement physique des ondes et la corrélation entre isolement digital et isolement physique sera rendue manifeste.

Les ondes que nous souhaitons utiliser pour illuminer ces scènes sont d’origine artificielle, elles proviennent des réseaux de communication numérique tels que le WiFi, la 3G, 4G ou encore le Bluetooth. Ces ondes, bien qu’invisibles, sont centrales dans notre mode de vie en tant que vecteur des relations interpersonnelles, et leur importance rivalise avec celle de la lumière visible. Il nous apparaît donc judicieux de les rendre perceptibles.

Notre approche de cette problématique est comparable à celle du photographe Richard Mosse. Nous utilisons la photographie dans des longueurs d’onde invisibles pour rendre visible une partie normalement cachée du monde réel, et souligner des problématiques concrètes dont ces ondes sont le vecteur.

La technique utilisée dans Intersolitude est une technique de photographie, elle vise à capturer la lumière pour créer une image. La lumière visible ne représente en fait qu’une infime partie du spectre électromagnétique. Dans ce spectre électromagnétique, les ondes dont la fréquence environne les 1 Gigahertz servent à transférer les messages numériques comme le WiFi, la 3G, 4G ou encore le Bluetooth, mais ces ondes se comportent de manière similaire aux ondes visibles. À l’aide d’une antenne hélicoïdale de notre fabrication, de moteurs, et d’algorithmes ad hoc, nous balaierons l’espace et nous reconstituerons des images points par points qui seront ensuite développées et présentées.

Ce projet constituera une forme d’introspection à l’échelle de notre société : notre regard sera tourné vers nos technologies, nos relations, et les liens qui les unissent, mettant ainsi en jeu l’action fondamentale de l'accès à la connaissance : regarder pour mieux comprendre.